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jeudi, 17 novembre 2005

Un exemple de respect de la nourriture

Le dimanche 13 novembre 2005

PERSONNALITÉ DE LA SEMAINE :Liliane Colpron

Anne Richer
La Presse


Le bon pain, elle en fait son affaire. Liliane Colpron, fondatrice et présidente de la boulangerie Première Moisson, pratique son métier avec tellement d'art que même les Français ne peuvent que s'incliner devant tant de talent et de volonté, tant de souci de qualité.

Le 28 septembre, elle a été promue par le ministère français de l'Agriculture au grade d'officier de l'Ordre du mérite agricole. Cette décoration, créée en France en 1883, lui a été remise pour saluer sa contribution au rayonnement de la France au Québec. Première Moisson, qu'elle a mise sur pied en 1992, a donné le véritable coup d'envoi du changement dans la culture boulangère des Québécois. Elle a suscité chez eux l'envie de goûter des dizaines de croûtes et de mies que la tradition et l'imagination leur offrent.

Liliane Colpron, qui est membre du Réseau femmes d'affaires du Québec, a reçu également, le 12 octobre dernier, le prix Réalisations. La plus haute récompense du Réseau avait été remise, les années précédentes, à Lise Thibault et Lise Payette. Des honneurs qui viennent couronner le travail d'une femme déterminée à qui La Presse accorde son titre de Personnalité de la semaine.

Sortir du pétrin

"Mme Colpron représente l'excellence dans l'agroalimentaire au Québec", a déclaré Marc Bouteiller, chef de la mission économique de France à Montréal, en lui remettant la prestigieuse décoration. "Ce que vous faites avec le pain est proche du chef-d'oeuvre, madame", a-t-il ajouté.

Donner aux Québécois le goût des vrais produits, ne pas céder aux modes ni aux contraintes du marché, conserver la mission de l'entreprise et en même temps innover en créant un partenariat d'égal à égal avec les 14 boulangeries Première Moisson dans la grande région de Montréal, sont le résultat d'une gestion axée sur l'écoute et l'intuition. "Après, dit-elle, lorsqu'il s'agit de trouver des solutions aux différentes étapes, c'est la logique et l'expérience d'affaires qui nous aident."

Ses trois enfants sont ses partenaires. "On en est très heureux", dit-elle, car ils partagent la même passion. D'ailleurs, tout a commencé avec eux, d'une certaine manière. Il y a environ 40 ans, lorsqu'elle s'est retrouvée jeune divorcée, la priorité a été pour elle de les nourrir. Il y avait aussi cet autre moteur: "Je voulais prouver que les femmes étaient tout aussi capables que les hommes." Certes, reconnaît-elle, il lui a fallu apprendre à la fois sur le tas et de ses erreurs. "Si j'ai choisi la boulangerie, c'est que je me suis associée à un Français qui était boulanger parisien." Avec ce compagnon de vie, elle a fait le pain avec lui la nuit, appris tranquillement la gestion d'une entreprise et découvert que "le consommateur québécois était prêt pour la boulangerie de quartier".

Huitième enfant d'une famille de 12, elle a vécu sa jeunesse sur une ferme à Châteauguay où poussaient 400 pommiers. "Les enfants d'aujourd'hui ne savent pas toujours qu'une pomme, ça commence par une fleur!" Le boulanger apportait chaque jour son plein sac de pains frais. Premiers regards, premières odeurs, premiers délices. Sa mère, qui les a beaucoup aimés, a été un rempart tendre et doux dans un univers d'hommes. Son père, selon les us et coutumes de l'époque, a favorisé ses garçons pour la poursuite d'études supérieures. La jeune fille timide, elle, quitte la maison à 19 ans pour se marier. "Je suis encore en colère", confie-t-elle. "Si j'avais pu étudier, je serais allée apprendre les langues pour m'orienter en diplomatie, je crois."

Un beau succès

Pour elle, la France est un lieu de prédilection pour tout ce qui touche l'alimentation. Elle va donc s'y inspirer plusieurs fois par année. Une inspiration qui passe par tous ses sens. "Imaginez un millefeuille au citron et à la framboise..." Une idée qui va nous revenir sous une forme ou une autre. Première Moisson produit 90% de ses produits, hors le chocolat et les confitures.

Grande marcheuse, Liliane Colpron lit beaucoup. Outre les voyages nombreux, elle aime bien la campagne des Laurentides pour se ressourcer. Il n'est pas question qu'elle envisage, même dans un avenir lointain, la retraite. "Ma vie ne serait pas comblée sans cette entreprise que j'adore, sans la joie d'être là tôt le matin. Et ce que j'aime par-dessus tout, c'est créer de l'emploi."

Quel est le sens de la vie? Elle tente de trouver des réponses. "Si j'ai pu contribuer à mettre sur le marché des produits de qualité, qui améliorent aussi la qualité de vie des gens, je voudrais encore de nouvelles façons de redonner." Aider les jeunes qui veulent se lancer en affaires, c'est déjà fait. "Comprendre mieux les gens qui m'entourent, mieux communiquer dans ma famille, dans l'entre-prise, accepter les autres, c'est ma quête." Mais elle avoue vouloir conserver, "avec une certaine sagesse", son immense besoin de rire et de travailler dans la joie.

La patronne, à la fois douce et rigoureuse, ne fait aucun compromis. "J'estime que lorsqu'on produit des aliments pour des êtres humains, on a une immense responsabilité."

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