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samedi, 01 novembre 2008

Épigénétique environnementale

Extrait de "PasseportSante.net: http://blogue.passeportsante.net/christianlamontagne/

27 octobre 2008
Comment faire parler vos gènes (ou les faire taire)

Partout à travers le monde, les grandes politiques de la santé sont en train de se redéfinir autour de ce que l’on appelle les « déterminants de la santé ». Pour les prochaines semaines, Christian Lamontagne consacrera son blogue à chacun des 12 facteurs qui peuvent influencer notre état de santé : éducation, logement, conditions de travail, etc. Pour en savoir plus sur les déterminants de la santé.

Neuvième déterminant de la santé : notre héritage biologique

À partir du moment où on a découvert le code génétique, on a cru que l'on pourrait expliquer la santé, la maladie et même nos comportements en comprenant le rôle exact joué par chacun des quelque 25 000 gènes qui composent le code génétique humain. Mais on s'est rendu compte que même de vrais jumeaux, possédant exactement le même code génétique, ne mourraient pas des mêmes maladies et n'avaient pas le même destin. Peu à peu, on a compris que si le code génétique contient toutes les lettres d'un grand livre, il y a autre chose qui permet de le lire. Cette autre chose a été nommée l'épigénétique.

En 2004, des chercheurs de l'Université McGill, Moshe Szyf et Michael Meaney, ont fait une expérience toute simple sur des rats de laboratoire. Ils ont observé ce qui se passait chez de petits rats qui étaient abondamment léchés par leur mère, c'est-à-dire, si on prend le point de vue du rongeur, recevant beaucoup de soins de leur maman. Et ce qui se passait chez des rats peu léchés par leur mère.

Une fois rendus à l'âge adulte, les petits rats qui avaient reçu beaucoup de soins avaient un comportement calme et réagissaient normalement au stress. De leur côté, les rats qui avaient manqué de soins étaient extrêmement nerveux et devenaient très agressifs en présence d'agents stresseurs. C'était l'empreinte de l'épigénétique, c'est-à-dire l'effet de l'environnement sur la manière dont nos gènes « s'expriment ».

C'est tout chimique et mécanique : parfois une petite molécule vient s'attacher à une section d'ADN et l'empêche d'entrer en fonction. Cela s'appelle la méthylation de l'ADN (parce que la molécule est un composé méthyle). Si la méthylation vient bloquer un gène impliqué dans une maladie, c'est une méthylation bénéfique. Si elle vient bloquer un gène qui empêche une maladie, c'est moins intéressant. Parfois, des sections d'ADN, enroulées autour de la chromatine, se retrouvent cachées sous d'autres sections et deviennent donc inactives.

On a cru pendant longtemps que le processus de méthylation était irréversible, parce que les méthylations sont très stables. (On peut même analyser les méthylations sur une momie de 5 000 ans.) Mais les professeurs Szyf et Meaney ont montré qu'il n'en était rien et qu'on pouvait « déméthyler » des gènes en utilisant la L-méthionine, un acide aminé essentiel qui se trouve dans plusieurs aliments et qui est même disponible sous forme de supplément alimentaire.

L'épigénétique réserve cependant d'autres surprises. Auriez-vous imaginé que le fait que vos grands-parents aient vécu une famine lorsqu'ils étaient encore en gestation ou lorsqu'ils étaient adolescents puisse avoir un effet sur votre destin deux générations plus tard? C'est pourtant ce qu'un autre groupe de chercheurs a clairement démontré en examinant la descendance de gens ayant vécu une famine. Selon l'âge et le sexe des grands-parents au moment où ils ont vécu la famine, la longévité de certains petits-enfants s'allongeait, et elle diminuait chez d'autres. Désormais, le code génétique ne se manifeste plus comme une dictature mécanique, mais comme un processus dynamique et réversible par lequel se transmettent des caractères acquis.

La conclusion générale qu'on peut tirer de tout cela est que nous réagissons à un grand système et que ce système est... tout ce qui nous arrive, tout ce qui nous entoure, tout ce que nous mangeons, la manière dont nous entrons en contact les uns avec les autres, etc. Comme le dit le professeur Szyf, l'épigénétique montre comment la culture et la nature interagissent l'une sur l'autre.

Si vous avez suivi cette série de blogues depuis le début, vous pouvez désormais comprendre comment notre travail, nos relations, notre environnement, nos habitudes, notre enfance, notre éducation et notre position sociale ont une influence directe sur nos processus physiologiques et, par conséquent, sur notre état de santé.

Laissez-moi vous traduire un commentaire sur le travail de Szyf et Meaney : « Plus nous creusons ce genre de découvertes, plus il devient évident que tolérer la pauvreté et la privation chez les enfants est inexcusable. Pas seulement mal moralement, mais impensable pour quiconque accorde de la valeur à la société civile. »

« C'est comme si la misère et la pauvreté se reproduisaient elles-mêmes. Privez un enfant de soins et de nourriture adéquats, et il va grandir avec une empreinte biochimique qui contribuera à lui donner une personnalité méfiante et difficile, ce qui rendra plus improbable qu'il s'instruise, obtienne un emploi rémunérateur et ait la patience exigée pour être un bon parent. »

Voyez-vous les conséquences de ces découvertes? C'est l'éthique et la science qui se rejoignent. En expliquant comment nous sommes tous reliés et comment nous transmettons ce que nous sommes, la science nous montre clairement pourquoi une société où les gens prennent soin les uns des autres est meilleure pour tout le monde qu'une société où un groupe domine les autres.

Cela vous donne-t-il un peu d'espoir pour l'avenir de la société? Cela vous donne-t-il le sentiment d'être davantage relié aux autres?

La semaine prochaine : Pourrons-nous toujours nous faire soigner quand nous en aurons besoin?


Pour en savoir plus :
> Je ne saurais trop recommander le site Ghost in your Genes de PBS (Public Broadcasting Corporation). On y trouve un fascinant et très bon exposé sur les tenants et aboutissants de l'épigénétique. La vulgarisation scientifique à son meilleur. Cette émission a été traduite en français et diffusée à l'émission Découverte par Radio-Canada, mais Radio-Canada n'a pas les droits pour la diffuser sur le Web.

mercredi, 01 octobre 2008

Les déterminants sociaux de la santé

Extrait de "PasseportSante.net", voici un article important sur les déterminant de la santé. Il y est question de l'importance des conditions de vie dans la qualité de notre santé.

Le 8 novembre, la revue médicale The Lancet publiera un numéro spécial sur le même thème. La semaine suivante, à Québec, les Journées annuelles de santé publique (JASP) consacreront deux journées aux inégalités sociales en santé.

L’inégalité en santé se manifeste par le fait que, dans l’ensemble, nous sommes malades et nous mourrons selon notre position dans la hiérarchie sociale. Cette inégalité de sort est l’effet des déterminants de la santé dans nos vies. Certains de ces déterminants dépendent directement de nous, mais la plupart sont liés, directement ou indirectement, à l'organisation sociale.

D’une certaine manière, l'état des déterminants de la santé reflète le développement d’une société et les libertés réelles dont jouissent ses membres. Par exemple, la liberté de ne pas mourir d’une maladie qu’on peut prévenir, la liberté de se nourrir convenablement, la liberté de se loger convenablement, la liberté de pouvoir lire et écrire, la liberté de voyager, de se reposer, de faire du jogging, etc.

Disposons-nous toujours réellement de ces libertés? Par exemple, on a calculé qu’en Irlande, un pays comparable au Canada, une personne disposant du revenu moyen et élevant seule un enfant, devrait consacrer 80 % de son revenu hebdomadaire pour se nourrir, selon le guide alimentaire national. Dans ces conditions, a-t-on vraiment la liberté de manger cinq portions de fruits et de légumes chaque jour?

C’est pour cette raison que les politiques publiques touchant les déterminants de la santé – que ce soit l’éducation, le travail, la santé, les transports, l’environnement – visent à diminuer les inégalités en santé en agissant sur leurs causes. Ces inégalités en santé sont parfois abyssales. Elles se comptent en dizaines d’années de vie en moins, en taux de mortalité multiplié par 100 et même 200 entre une collectivité et une autre. Il n’est pas obligé d’en être ainsi.

Cela semble loin de la vie quotidienne, mais si vous évaluez votre santé (est-elle excellente, bonne, moyenne, mauvaise, très mauvaise?) et l'état des déterminants de la santé dans votre vie, vous pourrez probablement faire un lien entre les deux. Il est bien connu que chacun de nous est un assez bon juge de son état de santé et que notre évaluation a une forte valeur prédictive.

Les blogues que je consacre aux déterminants de la santé commencent ou se terminent toujours par une question. À la fin de cette série, si vous avez répondu aux questions, vous aurez un portrait assez clair de l’état des déterminants de santé dans votre vie. Ainsi, vous pourrez mieux comprendre pourquoi vous évaluez votre santé comme vous le faites et à quoi vous devriez accorder un peu plus d’attention.


Christian Lamontagne – PasseportSanté.net
Le 2 septembre 2008


Pour aller plus loin

1. Ethics of the social determinants of health, Dre Jennifer Prah Ruger PhD, The Lancet 2004; 364:1092-1097. Cet excellent article permet de comprendre d’où vient la perspective de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé. On y voit pourquoi la santé possède vraiment une dimension globale.

2. Interim Statement of the Commission on Social Determinants of Health (2007). Avant le rapport final, cette déclaration intérimaire de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé trace un portrait d’ensemble de l’effet des déterminants sociaux de la santé. Très éclairant.

3. What is our focus? Une entrevue avec Sir Michael Marmot, président de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé. Au cas où vous douteriez de la pertinence du sujet.